Interview #1 - Olivier Norek



Lors d'une séance de dédicaces le 10 juin, j'ai rencontré Olivier Norek, auteur de Code 93, Territoires et Surtensions.

Dans ses romans, les personnages semblent tout donner au détriment de leur vie personnelle, tirant un trait sur leur propre épanouissement. Cependant, être flic et avoir une vie de famille est possible à part dans certaines divisions de la police, comme la brigade des stupéfiants où des représailles sont monnaie courante. Mais si les personnages masculins des trois premiers romans sont solitaires c'est parce que l'auteur lui-même l'est. Il a créé Johanna pour donner l'esprit de "famille" - au sens propre du terme - comme une bouée de sauvetage pour l’équipe.

L’auteur a voulu préciser que le flic de maintenant est bien loin de celui décrit dans les films et séries policières. Ce sont des sportifs de haut niveau avec un énorme mental, ouverts et diplomates. Et c’est cette police qu’il a voulu mettre en avant dans ses romans.

Depuis qu'il écrit, les gens le regardent différemment, il n’y a plus d'adrénaline (ce qui lui manque), mais il a un réel plaisir à rencontrer ses lecteurs pour échanger sur son expérience de policier car 90% de ses romans font partie de son vécu professionnel.

Le personnage de Coste vient de l'auteur lui-même comme il l'explique : « l'autre est capital mais peut être aussi sa faille ». Avant, il pensait toujours à la victime, mais désormais il pense au lecteur à chaque page qu’il écrit. Le souci de Coste est la relation vis à vis de l'autre (l'autre étant l'humain) mais l’auteur avoue que ça lui a également posé des problèmes lors de son travail car l'humanisme a failli le desservir et lui faire franchir la ligne imposée par sa fonction.

Il a mis neuf mois à écrire Code 93, principalement la nuit, après une journée de travail tournant autour de 10 à 14h. Cependant, il ne s'est pas préoccupé de son droit de réserve car il estime parler de ce qui dérange les gens, comme les thèmes au centre de ces 3 romans. Il ne fait que relater la vérité, qui est son pare-balle, et parle d’ultra-réalisme de la société actuelle. Il n'y a pas d'angélisme dans ses propos aussi bien en tant qu'auteur qu' il n'y avait lors de l'exercice de ses fonctions.

Pour lui, le pouvoir est le pouvoir de l’argent qui induit un jugement différent notamment dans les hautes-sphères de la société où nous ne sommes pas tous justiciables au même niveau.Il y a deux justices, celle du commun des mortels et celle des personnes bénéficiant de leur position sociale. Le fait que le capitalisme écrase tout le dérange, surtout le fait de « se faire bouffer pour une histoire de pognon ».

En parlant des PICS (Pilleurs, Incendiaires, Casseurs, Sauvages), il raconte que ce n'est pas une classification, le S a été rajouté pour ceux qui viennent dans les manifestations pour « casser du policier ». Les émeutes sont régulières dans le 93 et  l'auteur dénonce les violences policières récentes qui sont répréhensibles et intolérables, car les gens ne sont pas habitués à cette police et en donne une image peu acceptable. Mais des hommes devant faire face deux mois durant à des centaines de manifestants peuvent aussi déraper "ça n'excuse pas" mais ils étaient à bout face à cette violence qui n'en finit pas. Norek parle de sparadrap et qu'il faudrait peut-être que les politiques prennent en compte cet état de fait.

Malgré cela, les réactions des policiers sur ses trois romans sont bonnes,l'ambiance qui s'en dégage reflète bien leur quotidien, ce ne sont plus ces policiers cassés, alcooliques qu'on voit dans les séries et les films, ils se retrouvent dans ce boulot là et se sentent valorisés.

Au vu de la nouvelle vague d'auteurs se lançant dans le genre thriller/policier, il y a malgré tout des liens entre eux qui se sont créés car ils se voient aux salons du polar, ils prennent un grand plaisir à se revoir, échangent des idées, s’appellent, et se rencontrent sur Paris. C’est un univers que Norek aime énormément.

Quand l'auteur a commencé les salons du livre, il ne lisait pas les  livres de ses comparses, mais il l’a fait par obligation puis par plaisir, même s’il n'est pas fan de polars car il connait les décors, les personnages. Cependant, il n’est pas pointilleux envers les autres romans, il veut juste se balader, ne pas s’ennuyer mais surtout il veut passer par une palette de sentiments diversifiés.

Quant aux aventures de Coste et son équipe, l'auteur a volontairement laissé une porte ouverte, pour mieux revenir car il avait peur de faire celui de trop. Coste ne connait que le 93 et Norek ne peut pas le retirer de l’environnement dans lequel il est très bien. Il y a une aura, une couleur spécifique chez Coste et dans le 93.

Cependant, il a de nouveaux projets : faire de Code 93 une série puis aider à la réalisation de la sixième saison d’Engrenages et faire de Surtensions la suite télévisée de Code 93. Il pense aussi créer une nouvelle équipe avec une femme à la tête, écrire une histoire pour adolescents, une histoire d'amour, puis il reviendra peut-être à Coste et son 93.

9 questions à... Olivier Norek

Si vous deviez donner une qualité et un défaut à Coste, quels seraient-ils ?

Une qualité : humain, altruiste. Un défaut : un peu trop solitaire, comme si malgré son attachement à l'autre, il en avait peur...

Si vous deviez faire (et je pense que vous le ferez) un quatrième opus sur les aventures de Coste, de quoi parleriez-vous ?

Je n'en ai strictement aucune idée.

Vous avez parlé de faire un livre avec une femme à la tête de l'équipe. N'auriez-vous pas l'impression que ça ressemblerait un peu à Engrenages, étant donné que la chef est une femme ?

Mais alors parce que dans Engrenages une femme est à la tête de l'équipe alors on ne peut plus mettre de femme flic chef de groupe ? Amusant. Vous ne m'avez pas dit que les aventures de Coste ressemblaient celles de Braquo puisqu'il y a un homme à la tête du groupe. Ce serait presque sexiste ça, voire macho.

Quand vous écrivez, avez-vous une playlist, des chansons qui vous motivent ou pas du tout ?

Malheureusement je suis incapable de raconter une histoire en écoutant de la musique car la musique raconte déjà une histoire et elle déconcentre trop.

Pourquoi l'esprit de famille est-il si important dans la Police ?

Parce que notre quotidien est si dur que nous avons besoin de cet esprit... Et aussi parce que l'on bosse 12h par jour ensemble...

Vos trois romans sont - à mon goût - des polars avec une sous-teinte de psychanalyse, qui permet de faire réfléchir le lecteur, ou plutôt de l'alerter et de lui faire comprendre qu'au final tout n'est pas tout beau tout rose. J'ai tort ?

Je crois que le lecteur le savait déjà, que tout n'est pas rose... Chez mes flics, il y a toujours une part d'ombre et chez mes criminels, une part de lumière, si infime soit-elle... Le reste ne serait que caricature...

Si vous aviez le droit de de changer des choses au vue de votre vie professionnelle, changeriez-vous quoi que ce soit ? Seriez-vous quand même devenu flic et auteur ou auriez-vous changé de métier ?

Peut-être prendrais-je le temps d'avoir un enfant... Sinon, ce sont toutes mes réussites et mes échecs, mes choix et mes décisions, qui ont fait que je suis là, donc non, surtout rien à changer.

Olivier Norek en 3 mots, ça donne quoi ? Et pourquoi ?

Généreux, susceptible, solitaire... Et bien, on ne va pas s'amuser avec celui là !

Le mot de la fin ?

Coste se met au vert pour quelques temps... Je cherche un nouveau personnage (une femme peut-être) un nouveau décor (la campagne sûrement) une autre histoire (de l'amour ?? de la science fiction ? du noir encore ?)... En tout cas, même si ce n'est pas Coste, j'espère que vous me ferez assez confiance pour lire le prochain, et longue vie à Journal d'une bouquineuse !!!

En tout cas, merci à Olivier Norek pour son temps et ses réponses, ça a
été une superbe rencontre et j'ai d'ores et déjà hâte de savoir 
ce que renfermera son quatrième livre !

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