L'hyperactivité et moi


C'est un sujet que je n'ai jamais abordé - ou plutôt que je n'ai jamais osé aborder parce que je n'avais pas forcément envie de me replonger dans mon passé ni de m'exposer de trop

Je suis différente

Pourquoi je ne dis pas "j'étais différente" ? Parce que ce serait mentir. Tout simplement. Je serais toujours différente. Je suis hyperactive, ou plutôt je suis une TDAH - comprenez Trouble du Déficit de l'Attention avec Hyperactivité. Selon le site Passeport Santé, les personnes ayant un TDAH  "ont des difficultés à se concentrer, à être attentives et à mener à terme des tâches le moindrement complexes. Elles ont souvent du mal à rester en place, à attendre leur tour et agissent fréquemment de façon impulsive."

Dans mon cas, je présente les symptômes suivants

- courte capacité d'attention et facilité à la distraction
- n'arrête pas de bouger
- comportement imprévisible
- faiblesse en mathématiques
- création de rituels et d'habitudes extrêmes
- difficulté à gérer un changement d'environnement ou d'habitudes 
- dévalorisation de soi
- manque de confiance en soi 
- changement radical et subite d'humeur 
- trop plein d'émotions conduisant à un comportement imprévisible 

L'enfer des autres 

Ça a commencé à la maternelle. Je ne tenais pas en place, j'étais impatiente, impulsive. Une enfant à priori agitée. Ma mère recevait des coups de téléphone de l'école, elle se prenait des remarques tous les jours. "votre fille a cassé un pot de fleurs", "votre fille a fait ceci", "votre fille a fait cela". Jusqu'au jour où ma mère, ayant ras-le-bol des remarques, ne m'a plus emmenée à l'école car ça se passait mal. Tous les jours, j'avais fait quelque chose. Et les autres enfants, eux, n'ont fait qu'une chose : me mettre de côté car j'étais différente, je n'étais pas comme eux, je ne rentrais pas dans leur moule.  J'ai fin par retourner à l'école après quelques jours à la maison, l'institutrice étant partie en formation, c'était une autre qui la remplaçait. 

J'étais toujours impatiente, je ne tenais toujours pas en place, mais plus de remarques, jusqu'à l'école primaire. Il m'arrivait de me retrouver dans le couloir avec ma table et ma chaise - et impatiente comme j'étais, je partais me balader dans l'école et l'instit me cherchait partout. Le rejet, puissance dix. J'étais toute seule pendant les récrés, on se moquait de moi, on me punissait, ma moyenne était basse parce que je n'allais jamais au bout des choses, je finissais mes contrôles en avance...  

En CE1, je suis tombée sur une instit super sympa qui s'est demandée pourquoi j'étais comme ça et a décidé de me faire voir la psychologue de l'école, qui m'a redirigé vers un CMP (centre médico-psychologique) qui s'occupaient d'enfants hyperactifs, dyslexiques etc. Ma mère a eu le droit au test de Conners, qui sert à diagnostiquer le TDAH et plus de la moitié des questions matchaient avec mon comportement. Bien que les instits aient été au courant ça n'a rien changé ensuite. En CE2, j'étais punie, je me prenais des claques (!), j'étais humiliée... 

Un enfer pour ma mère - pas pour moi car je m'étais habituée à cette routine (rejet, humiliation...). En CM1, je suis retombée sur le même instit qu'en CP et ça s'est mieux passé mais j'étais toujours agitée et bavarde. En CM2, rebelote, un enfer. Lors du voyage qu'on avait fait à Paris, j'étais intenable car mes habitudes et mon environnement avaient changé et j'ai fini à dans le couloir de l'hôtel avec ma couette, mon oreiller et mon matelas "afin que je me calme et que je laisse les autres dormir". Arrivée au collège, je suis retombée avec les mêmes qu'à l'école primaire et ça a continué jusqu'en cinquième, l'année où le collège m'a fait redoubler parce que je n'y arrivais plus. J'étais insolente, réfractaire dans certaines matières, collée pour comportement, oubli de matériel... 

En troisième, ça a été le coup de grâce. Insultes, coups bas... On me traitait de grosse, de débile, que j'étais une p**e... Tous les mots d'oiseaux étaient sortis. Mais je me suis 'rebellée' et j'ai passé je ne sais combien d'heures en colle parce que j'avais essayé de me défendre et que la CPE m'avait dans le viseur. Tout était bon pour me coller et me rabaisser - même ce que je n'avais pas fait. En gros, j'étais la coupable idéale

Il y a eu un échange scolaire en Allemagne à la fin de la troisième. Là-bas, tout s'est bien passé, mais quand la correspondante est venue ça a été l'horreur. Elle venait d'une famille assez friquée, moi d'une famille monoparentale vivant en HLM. Alors forcément, la correspondante n'a pas voulu rester et les professeurs sont venus frapper à la porte le lendemain en disant qu'elle ne souhaitait pas rester chez nous. 

Les rumeurs ont repris de plus belles, en disant que j'étais une cassos, que je ne réussirais jamais à m'intégrer, que je finirais toute seule. Je n'ai plus voulu, à partir de ce moment là, retourner au collège. Les regards étaient braqués sur moi, ça riait dans mon dos, ça m'insultait. Je me demande comment j''ai pu avoir mon brevet vu comment ma troisième a été un capharnaüm. 

Arrivée au lycée, je ne suis pas retombée avec les jeunes du collège, ce qui m'a permis de vivre enfin un peu et de m'intégrer. Je me suis enfin fait des ami(e)s, je faisais des sorties avec eux. Les voyages scolaires ont été - et seront toujours - compliqués mais je n'étais plus seule ni rejetée. Tout a fini par se tasser doucement et j'ai pu vivre mes années lycée bien mieux que mes années élémentaires et collège.

Et maintenant ?

Je ne dirais pas que tout est sous contrôle car j'ai des périodes d'instabilité intenses où certains symptômes me font défaut. Mais les symptômes qui me suivent tous les jours sont la facilité de distraction, la création de rituels et d'habitudes, la difficulté à gérer un changement d'environnement ou d'habitude et surtout la dévalorisation et le manque de confiance en soi. Pour le côté trop plein d'émotions, j'ai réussi à trouver un moyen de les faire sortir au travers de l'écriture, j'écris des petites histoires (que je ne publie pas) et expulse ce trop plein quand j'en ressens le besoin. 

C'est pas souvent comme ça, car ma mère, avant son décès, sentait quand j'avais un trop plein et le seul moyen qu'elle avait trouvé était de me pousser à bout pour que j'ouvre les vannes. Pour elle, du moment que j'évacue, ça lui suffit. Depuis son décès, j'ai énormément de mal à expulser le trop plein. Je garde tout et le trop-plein me fait exploser, je fais beaucoup de crises d'angoisses et de panique inconsciemment pour que tout sorte. 

Je me suis également rangée derrière des habitudes et rituels afin de trouver une stabilité, même si des fois, ce sont des habitudes un peu borderline. Par exemple, je plie mes vêtements différemment, je range mes livres d'une certaine façon (par numéro de livre, couleur et par maison d'édition), j'utilise un code couleur spécifique dans mon Bullet Journal afin de pouvoir tout gérer facilement et m'en sers comme canaliseur. 

Au boulot, mon TDAH me joue des tours car je suis obligée de concentrer mon attention à fond mais comme je travaille avec des gens autour, je suis facilement distraite et je ne sais plus où j'en étais... Ce qui fait que j'oublie de faire ci ou ça et je me prends des remarques de mes collègues ou mon patron. Côté vie sentimentale, mon TDAH me rendant instable et me faisant vivre au jour le jour, mes différentes relations ont rarement tenu plus de deux ans. Cependant, je ne perds pas espoir de me poser avec quelqu'un pour de bon et avoir ma petite famille. 

Mes conseils

Si jamais un enfant de votre famille (propre enfant, neveu/nièce, cousin/cousine) présente des signes de TDAH, n'hésitez surtout pas à

vous documenter via le site TDAH France qui est hyper complet. 
demander de l'aide et en parler soit à la psychologue scolaire s'il y en a une ou aux instituteurs/professeurs/CPE pour qu'ils fassent le Test de Conners
apprendre à adapter le quotidien de l'enfant TDAH (article ici). 

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